L’Extrême Nord Cameroun face aux Violences Basées sur le Genre


L’Extrême Nord Cameroun face aux Violences Basées sur le Genre
Bilkissou Alh Ibrahima, Spécialiste en Genre et Relations internationales, Doctorante en science politique à l’Université de Maroua, Expert VBG, responsable de Centre Vie de Femme Maroua ALVF-EN

       « Toute domination de classe comporte la création et la conservation, par la force et le Consentement, de conditions qui assurent l'identité de l'intérêt de la classe hégémonique et de l'intérêt de la collectivité. Les processus en cause eu égard aux classes sociales dominantes sont bien assez connus; reste à comprendre comment les hommes, en tant que classe de sexe, actualisent leur domination.» Danielle JUTEAU et Nicole LAURIN. «L'évolution des formes de l'appropriation des femmes : des religieuses aux "mères porteuses"», CRSA/RCSA, Toronto, mai 1988, p. 194.







 Introduction
      Malgré la prise en compte de « la voix de toutes les femmes dans le monde entier et tenant compte de la diversité des femmes, de leurs rôles et de leurs conditions de vie, rendant hommage aux femmes qui ont ouvert la voie[1] par les chefs d’Etats et de gouvernement du monde, les Violences Basées sur le Genre (VBG) demeurent  récurrentes dans le monde, tout comme en Afrique notamment au Cameroun où les ethnies/cultures sont multiples et variées. La Région de l’Extrême Nord en est la spécificité far de cette situation. S’il ya bien des efforts d’avancement notés sur les femmes et filles, la problématique de fond reste  d’une autre nature.  Ainsi 900/  de la population vivent la violence au sein de la famille, soit au sein de leur environnement scolaire (école-lycée-Université –institut …), soit dans la communauté ou entourage ou sociétal.

I-                 Analyse contextuelle de l’environnement sociétal par rapport aux VBG
      Les MPF[2] –les violences conjugales-les violences sexuelles et  émotionnelles  sont vécues constamment par les femmes et les filles de la Région. Elles ont tendance à croire qu’elles vivent dans la normalité (par ignorance ou par la peur).  La liberté d’expression étant toutefois limitée au sein de leur famille et de manière générale au sein de la société à laquelle elles appartiennent, elles ont tendance à se renfermer sur elles,  elles n’en parlent presque pas, même pas pour se confier à une amie. Elles subissent tous en silence, se disant que c’est une situation normale et intime ; c’est honteux de dévoiler l’intimité. Et même lorsque qu’une victime /survivantes, arrive à briser le silence sur la  violence vécue, se rendant aux services de protection appropriée, la preuve de celle-ci a déjà disparu où  l’irréparable est déjà commis (le  mariage précoce et viol avec pour conséquence une grossesse …).

    Des nombreuses plaidoyers ont été réalisées tant au niveau local, nationale qu’internationale par la chaine des intervenants sur les VBG. ALVF-EN fait partie des organisations pionnières de lutte contre les violences faites aux femmes dans la région de l’Extrême Nord. Elles a à cet effet effectué plusieurs études et plaidoyers notamment en ce qui concerne les MPF.
     Mais malgré ces efforts de luttes et les multiples sensibilisations  réalisées par ces  organismes (Organisation de la Société civile, ONG, et Organisations Internationales) qui sont diversifiées aujourd’hui dans la Région, la situation reste problématique et pitoyable : ceci du fait
-        Du Manque ou insuffisance de l’éducation
-        De l’ignorance de lois existant par la population hommes, femmes, jeunes
-        Du Poids de la tradition , de la culture selon les ethnies
      De la Religion; musulmane, chrétienne...
Ainsi, d’aucunes sont convaincues que certaines situations intimes ne doivent pas être exposées aux tiers  personnes (Services sociaux ou de droit de l’homme). Car « le linge sale se lave en famille » dit-on. D’autres par contre pensent par ignorance que les traditions autorisent réellement les atrocités à l’égard des femmes et en luttant contre cela, elles risquent de se retrouver en marge de la société, rejetées et  abandonnées  complètement par la communauté à laquelle elles appartiennent et surtout moditent. D’autres enfin pensent encore que c’est l’œuvre de la religion et s’opposer à cela, reviens à pécher face à Dieu.
I-                 Critique situationnelle
Les problèmes persistent du fait du :

-        Manque d’engagement réel de la part des chefs traditionnels dans la  prise en compte de la lutte contre les VBG
-         Manque du sérieux de la part des leaders  et  chef religieux  dans la  lutte contre les violences  faites aux femmes et aux filles,
-      La non participation des femmes influentes et importantes de la Région dans la lutte contre les violences  faites aux femmes et aux filles,
-        L’ignorance l’évolution juridique du statut de la femme et de la fille

Cependant la communauté devrait savoir que « le privilège accordé à l’élément féminin n’emporte pas négligence de l’élément masculin »[3]. Car, les VBG c’est une affaire de tous et de toutes. Elles peuvent exister ou se manifester partout et par n’importe qui quelque soit le lien familial qui lit la victime à son agresseur. La  position sociale ne protège pas contre les violences sexuelles et sexistes, ce n’est pas non plus parce qu’on a beaucoup fréquenté qu’on est à l’abri des VBG. Non ! Les VBG sont vécues dans  toutes les couches sociales, toutes les femmes et les filles analphabètes, ignorantes, instruites, sont exposées aux  VBG ou les vivent. Ceci du fait qu’elles ont la tradition, la culture, la religion enracinées dans leurs peaux et leurs âmes ou alors de la honte et de l’ignorance de leur portée tant physiologique que psychologique, ne les dénoncent pas.
 
II-               Perspective
             Le changement viendra avec le temps certes pas aussi rapidement que l’on imagine.  Car en se référant  aux propos de Durkheim selon lesquels : « les institutions rendent possibles les relations sociales et les activités économiques non seulement parce qu’elles règlent les conflits d’intérêt, mais aussi et surtout parce qu’elles permettent la perception et la définition mêmes des intérêts individuels, lesquels dépendent toujours d’un critère d’évaluation qui les fonde », il parait ainsi pertinent que les actions en transmisent  aux personnes cibles ( communautés, femmes, filles, chefs traditionnels et religieux) :

-        Une culture réelle d’éducation aux droits Humains serait nécessaire et l’inclusion de celle-ci au sein du milieu scolaire dés la maternelle jusqu’aux études supérieures,
-        Une culture du changement positif pour les communautés,
-        Une culture de la liberté d’expression ;
-        Une culture de solidarité, d’amour et de la Paix dans toutes les relations
L’effectivité  prendra court en :
-        Responsabilisant les chefs traditionnelles et leaders religieux,
-        Vulgarisant d’avantages les lois sur les violences faites aux femmes et aux filles ;


Notes
1-     Danielle JUTEAU et Nicole LAURIN. «L'évolution des formes de l'appropriation des femmes : des religieuses aux "mères porteuses"», CRSA/RCSA, Toronto, mai 1988, p. 194.
2-      Luc Sindjun, Mathias Eric Nguini OWANA, Egalité oblige! Sens et puissance dans les politiques de la femme et les régimes de genre, Pp 13-77
3-     Déclaration de Beijing, 1995



[1] Déclaration de Beijing, 1995, paragraphe 4
[2] Confère l’Association de lutte contre les Violences Faites aux Femmes de l’Extrême Nord (ALVF-EN), en ce qui concerne  les Mariages Précoce et Forcés, le document sur les recherches menées par l’institut du sahel en partenariat avec l’ALVF-EN
[3] Luc Sindjun, Mathias Eric Nguini OWANA, Egalité oblige! Sens et puissance dans les politiques de la femme et les régimes de genre, Pp 13-77

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